Doit-on adopter l’écriture inclusive au travail ?

Vous en entendez parler en ligne, dans les médias, dans les repas de famille parfois… mais le sujet de l’écriture inclusive vous semble un peu nébuleux.

Pas de panique! Nous allons voir ensemble ce que cette nouvelle forme de langue représente et si, oui ou non, vous devriez l’adopter dans votre entreprise.

C’est quoi, l’écriture inclusive ?

Pour résumer, l’écriture inclusive est un style d’écriture qui vise à contourner les règles grammaticales jugées sexistes d’une langue, comme le masculin neutre, par exemple.

Vous ne suivez pas? OK, laissez-nous vous présenter ça autrement. 

La langue française a beaucoup, beaucoup, de règles de grammaire, d’orthographe, de conjugaison, des exceptions… et parmi elles se trouve la règle du « masculin l’emporte sur le féminin »Donc, dans la phrase « Martin, Lucie, Julie et Danielle sont très heureux », « heureux«  est conjugué au masculin, bien que Martin soit le seul homme du groupe. Pour beaucoup, cette règle est considérée comme injuste. Arbitraire même. Surtout que, par le passé, notre langue n’a pas toujours fonctionné de cette façon!

Au Moyen Âge, des mots comme « médecine » (féminin de « médecin »), « autrice » ou encore « peintresse » existaient. Mieux encore! Nous avions un genre neutre! Oui, oui! Comme dans la langue allemande (« Das ») ou la langue anglaise (« they »)! C’est  avec le passage du latin au français que ce troisième genre s’est progressivement effacé pour être remplacé par le masculin, auquel il ressemblait. De plus, la règle du « masculin l’emporte sur le féminin » a été mise en place car le genre masculin (et les hommes, donc) était plus noble.

L’écriture inclusive cherche donc à effacer l’avantage offert au genre masculin depuis le 17e siècle et à mettre tous les genres au même niveau d’importance.

Quelques règles de l’écriture inclusive

Il existe plusieurs façons d’écrire de manière inclusive. L’Université de Laval a rédigé un guide très complet sur l’écriture inclusive, que vous pouvez consulter librement. Certaines façons sont d’ailleurs plus ou moins évidentes à appréhender que d’autres. Tour d’horizon:

La féminisation des titres, des fonctions et des métiers
Quelques exemples : « une cheffe », « une docteure », « une agente immobilière »… Le saviez-vous? Historiquement, « une boulangère » nommait la femme d’un boulanger, et non une femme dont le métier est de faire et de vendre du pain. Le passage de la première définition à la seconde est dû à l’accès grandissant des femmes à tous types de métiers. C’est l’obtention de ce nouvel acquis social qui a permis l’apparition de ces nouvelles formes féminines. Il est amusant de noter que la féminisation de certains titres choque beaucoup plus que l’inverse! Très peu de personnes tiquent en entendant les mots « un infirmier » ou « un coiffeur », des métiers pourtant historiquement féminins.

L’accord de proximité
Avec cette règle, l’accord sujet-verbe se fait avec le sujet le plus proche du verbe dans la phrase. Reprenons notre exemple utilisé plus haut. Avec la règle de l’accord de proximité, la phrase « Martin, Lucie, Julie et Danielle sont très heureux » devient « Martin, Lucie, Julie et Danielle sont très heureuses » car Danielle est le nom le plus proche de l’adjectif utilisé ici!

Dédoubler les termes à l’aide d’un tiret, d’une apostrophe ou d’un point milieu
C’est certainement l’aspect de l’écriture inclusive qui crée le plus de débats. Il est question de ce fameux point milieu (ou point médian) : « · ». Il permet de diviser certains mots et d’y ajouter une seconde orthographe. Par exemple, « les chanteur·se·s » ou « les chef·fe·s ». Ici, nous ne connaissons pas l’identité ou le genre des chanteur·se·s ou des chef·fe·s en question. Au lieu d’assumer qu’il s’agisse forcément d’hommes ou de personnes masculines, nous utilisons les deux genres à la fois! Pas de jaloux!
Vous vous demandez d’ailleurs peut-être comment on fait le point médian au clavier? En maintenant ALT enfoncé et en tapant 0183 (ALT+0183). C’est cadeau! 🙂
Toutefois, selon l’Office québécois de la langue française (OQLF), le point médian n’est pas un signe de ponctuation retenu (source).

L’écriture épicène
Le point médian peut être difficile à comprendre et à utiliser. Pour éviter les erreurs, pensez à l’écriture épicèneIci, on souhaite privilégier l’utilisation de mots épicènes, ou de mots non genrés. Par exemple, dire « les élèves » au lieu des « écoliers » (ou des « écolier·e·s »), ou « le public » au lieu de dire « les spectateurs » (ou les « spectateur·trice·s »). Beaucoup plus simple, non?

Pourquoi utiliser l’écriture inclusive?

Vous vous demandez peut-être pourquoi vous devriez perdre du temps et de l’énergie à mettre ce type de règles en place. Vous pourriez avoir beaucoup à y gagner!

Elle prouve votre adaptabilité 
Le français, comme les entreprises, est en constante évolutionSuivre les avancées de nos sociétés fait partie intégrante des objectifs des entreprises. Aller à l’encontre de celles-ci serait, à l’inverse, pourrait être interprété comme étant une preuve que vous n’êtes pas au goût du jour!

Elle peut prouver votre ouverture et votre inclusivité
Les entreprises qui promeuvent efficacement une politique d’inclusion augmentent le pouvoir d’attraction de leur marque employeur et élargissent leur auditoire. Par exemple, vos offres d’emploi utilisent-elles le masculin ou une formulation neutre? Votre code d’éthique est-il rédigé de façon épicène? Qu’en est-il de votre site Web? Reflète-t-il votre engagement en matière d’inclusion?

Rares sont les entreprises qui essaient de toucher uniquement des hommes. Pourquoi vos messages devraient-ils les mentionner eux, et uniquement eux, et ne pas faire mention des femmes et des autres genres? Oui,  l’écriture inclusive influe sur nos représentations et donc sur les inégalités, comme le démontre l’étude réalisée, en France, par Harris Interactive, en 2017 : la population française connaît-elle l’écriture inclusive? Quelle opinion en a-t-elle? Le sondage Harris Interactive pour Mots-Clés, réalisé par Internet les 11 et 12 octobre 2017, auprès d’un échantillon de 1 000 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. L’étude avait pour but d’analyser la connaissance, la compréhension et l’adhésion à l’écriture inclusive. Surtout, elle a permis de chiffrer “l’impact de l’écriture inclusive sur la présence à l’esprit”. 
Pour ce faire, trois questions ont été posées à des groupes de personnes :

  • Citez deux présentateurs du journal télévisé;
  • Citez deux présentateurs ou présentatrices du journal télévisé;
  • Citez deux personnes présentant le journal télévisé.

Selon la formulation de la question, la mention de femmes présentatrices est passée de 41 à 51 %, et de 6 à 19 % pour la mention de présentatrices féminines uniquement. Le même exercice a ensuite été réalisé avec des auteurs et des autrices et des champions et championnes olympiques; les résultats étaient très similaires.

Les conclusions de l’étude expliquent qu’en « menant l’expérience, on constate que les formulations inclusives ou épicènes permettent de donner jusqu’à deux fois plus de place aux femmes dans les représentations spontanées », car lorsque l’on nomme les choses et que l’on pose des mots, on leur donne une place. Les entreprises qui adoptent l’écriture inclusive témoignent que la place des minorités sexuelles et de genre y est alors mieux pensée.

Donc, qu’est-ce qu’on fait?

Si vous deviez garder une seule leçon de cette lecture, ce serait : soyez conscients de vos biais langagiersPersonne ne vous demandera d’utiliser le point médian ou les néologismes non binaires du jour au lendemain ou d’abandonner entièrement les autres règles de français que vous avez apprises plus jeunes.

Être conscient de l’effet des mots, de leur choix, de leur valeur politique et de leur portée, pourrait d’ores et déjà vous aider à faire un pas vers une écriture plus inclusive. Vous pouvez par exemple commencer par utiliser « chers et chères collègues » dans vos courriels ou penser à remplacer quelques termes par des équivalents épicènes de temps en temps.

À vous de prendre la décision qui fera le plus de sens pour vous et votre entreprise!